Frégate “LA BELLE POULE” -  © Maquette réalisée par M. Bernard Frölich
Escorteur d’escadre Jauréguiberry lancé le 9. 11.1955 à Bordeaux
Les chantiers navals de Bordeaux/Lormont
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Article du Journal Sud Ouest du 21 octobre 2002 ( cliquez pour agrandir)
INTRODUCTION DU CHEF DU SERVICE HISTORIQUE DE LA MARINE
 
    Lorsque Monsieur Hervé Guichoux m'a fait part de son projet d'entreprendre la rédaction de l'histoire des constructions navales à Bordeaux en s'appuyant pour une grande part sur les archives de la Marine, je l'ai rapidement assuré du soutien du Service historique de la Marine.
 
   En effet aucun travail de synthèse sur la naissance, l'organisation, l'essor et la disparition de l'industrie de la construction navale bordelaise n'a jamais été réalisé. Il m'a donc paru particulièrement intéressant de tenter de combler cette lacune et aussi de voir l'étude menée à bien par un historien de qualité particulièrement qualifié pour cette tâche.
 
     Cette histoire de la construction navale, reflet de la prospérité de la ville de Bordeaux et de sa région retrace trois siècles d'événements parfois heureux, parfois douloureux. Et pour qui veut bien être attentif de nombreux signes de mémoire sont encore visibles dans les murs de Bordeaux et de Lormont.
 
      Hésitante dans la première moitié du XVIII° siècle, la construction navale bordelaise prend son essor sur les deux rives de la Gironde car elle est stimulée par les besoins de la marine royale. Après un ralentissement pendant la Révolution et l'Empire, le baron bordelais Portal est chargé par le roi Louis XVIII de réorganiser la marine et ses arsenaux. La marine constatant son retard technologique dû à vingt cinq ans de guerre rattrape avec vigueur le temps perdu. La mécanisation apparaît et se développe dans les arsenaux. Bordeaux n'est pas en reste et adopte les nouvelles techniques de construction pour relancer ses activités portuaires. Au XX° siècle, les sociétés Dyle et Bacalan et les Ateliers et Chantiers de la Gironde maintiennent jusqu'en 1985 cette activité de pointe. Au cours de ce siècle, 127 navires de combat seront livrés à la Marine nationale.
 
      Reflet des rapports entre les activités économiques et humaines, ce cédérom permet de saisir dans ses continuités et ses ruptures l'histoire de la ville et de sa région.
 
      L'ouvrage d'Hervé Guichoux est un ouvrage de référence qu'on ouvrira avec profit et aussi avec plaisir tant le bonheur de plume de l'auteur et l'excellence de son iconographie sont grands.
 
                                                                                                   Contre-amiral Alain Bellot
                                                                                  Chef du Service historique de la Marine
Ce cédérom réalisé par M. Hervé GUICHOUX (Membre de la Société Française d'Histoire Maritime et de l'Association des Ecrivains Bretons), ayant nécessité plus de six années de recherches et de travaux, ne comporte pas moins de 6.000 écrans et environ 5.800 documents iconographiques (représentant l'équivalent de huit volumes sur tirage papier). Par la diversité des sujets abordés, il constitue une véritable encyclopédie traitant d'une grande page d'histoire pour le moins méconnue car jamais écrite, du passé maritime, économique et industriel de la capitale d'Aquitaine. Couronné par l'Académie Nationale des Sciences, Belles-lettres et Arts de Bordeaux cet ouvrage numérique est préfacé par M. Gérard d'Aboville, Président de la Fondation du Patrimoine maritime et fluvial, membre de l'Académie de Marine, et fait l'objet d'une introduction de l'amiral Bellot, Chef du Service historique de la Marine.
Le cinq-mâts “France II” (Armement Prentout-Leblond) portant toute sa voilure –
Photo:  © National maritime muséum de San Fransisco
De la frégate LA BELLE POULE à l’escorteur d’escadre JAUREGUIBERRY
Frégate La Belle-Poule lancée le 18. 11. 1765 à Bordeaux
Quelques navires de guerre construits à BORDEAUX
Le transport d’aviation “ Commandant TESTE” photographié en 1932, en vol un Loire 130
( © Collection Henri Landais )
En passant par le cinq mâts France II  et le transport d’aviation Cdt TESTE
Le transport d’aviation Cdt-Teste lancé le 12.04.1929 à Bordeaux
Le plus grand cinq-mâts du monde, le France II lancé le 9.11.1911 à Bordeaux
L’escorteur “Jauréguiberry” au quai d’armement n° 2, le 30.01.1957 –
Photo: FCG.  © Collection Alain Lefranc
       Jusqu’au début du XVIIIème siècle, l’industrie de la construction navale est peu importante à Bordeaux, sauf pour des embarcations de faible tonnage destinées à la navigation fluviale. Pour des problèmes de coût notamment liés à la cherté et la rareté des bois, les négociants préfèrent acheter leurs navires de haute mer dans d’autres ports de France, le plus souvent en Angleterre et en Hollande. C’est seulement après la décision des jurats de la ville d’accorder en 1699, l’autorisation d’installer des chantiers dans le secteur de Sainte-Croix et de Paludate, que des constructeurs s’implantent progressivement sur les bords du fleuve.
       Toutefois, ce n’est qu’à partir de la moitié du XVIIIème siècle, période de prospérité commerciale pour le Royaume, que la construction navale locale prend réellement son essor non seulement sur la rive gauche, mais aussi sur la rive droite où certains constructeurs s’installent à Lormont dès 1760. A Bordeaux, c’est de chaque coté des Chantiers du Roi créés vers 1750 dans le secteur de Sainte-Croix, face à l’hôpital de la Manufacture, (emplacement occupé de nos jours par le « château Descas »), que les constructeurs exercent leurs activités de chantiers et de radoub. Les besoins de la marine royale à cette époque en pleine expansion, amènent les Chantiers du Roi à construire entre autres, des vaisseaux de 56 canons, mais aussi des frégates (parmi lesquelles la première « Belle Poule » qui sera lancée sur la Garonne en novembre 1765 et dont le fameux combat contre les Anglais le 17 juin 1778, sera le premier engagement naval de la France dans la guerre d’Amérique).
L'hôpital de la Manufacture au bord de la Garonne - Lithographie de Légé d'après Sewrin (vers 1830) Devant sur les berges, les Chantiers du Roi avec leur enceinte et porte monumentale (Archives municipales de Bordeaux - IV - P - 2)
 

         L’activité  de construction de navires de types différents demeure soutenue pendant toute la seconde moitié du XVIIIème siècle, hormis cependant la période révolutionnaire. De nombreux bâtiments du commerce bordelais sont armés pour la course et quelques-uns uns  d’entre eux s’illustrent comme corsaires sur plusieurs  mers du globe. La construction navale et toutes les activités annexes qui en découlent occupent alors une place importante parmi les animations portuaires. En 1789, Bordeaux compte de dix à quinze chantiers privés d’où sortent annuellement vingt à trente navires et qui emploient de mille à douze cents ouvriers. Après un coup d’arrêt de la construction marqué par la Révolution, dès la chute de l’Empire, c’est une personnalité bordelaise, le baron Portal, qui est chargé par le roi Louis XVIII, du ministère de la Marine et de la réorganisation de la flotte.  
 
        Dans la première moitié du XIXème siècle, une nouvelle ère s’ouvre pour la construction navale avec l’apparition de la vapeur d’abord, puis de l’hélice ensuite, utilisées pour la propulsion des navires. Le premier navire à vapeur commercial français nommé « La Garonne » est construit par M.M. Chaigneau et Bichon et  lancé à Lormont en 1816. Ensuite, nombre de bâtiments à vapeur sont lancés par les chantiers locaux pour sillonner le fleuve et les mers, cohabitant longtemps avec les bâtiments traditionnels à voiles.
Maquette de "La Garonne" - Photographie de l'auteur au Musée du Vieux-Lormont
 

        En 1822/1823, un événement majeur  dans la vie bordelaise bouleverse une tradition établie depuis plusieurs décennies. En effet, la réalisation du Pont de Pierre conçu par l’ingénieur Deschamps apportant enfin à Bordeaux son premier moyen fixe de franchissement du fleuve, fait éclater définitivement de nombreuses activités portuaires, dont notamment celle des chantiers de construction  et de réparation navale. Désormais,  c’est en aval de l’infranchissable obstacle constitué par le pont, que vont se regrouper et se développer les activités des constructeurs de navires. Malgré tout, plusieurs navires sont encore lancés dans le secteur de Sainte-Croix jusque vers 1868 environ, dont les fameux clippers assurant la ligne du Brésil, orgueil de la construction navale bordelaise.
Vieille gravure de Bordeaux en 1830 avec le Pont de Pierre - Sans référence d'auteur - Collection particulière
 

       Vers la fin des années 1860, trois centres de construction navale existent à Bordeaux, dont deux d’entre eux vont connaître un développement régulier et important  en  fin du XIXème  et  au  XXème siècle:
 
1-D’abord, dans le quartier de Bacalan, où dès les années 1850, le constructeur Arman jusqu’alors implanté quai Sainte-Croix, procède à l’acquisition  de vastes terrains d’environ 30.000 m2 de surface sur lesquels existent ou sont édifiés près de 17.000 m2 d’ateliers. Parmi ceux-ci, certains  proviennent  de la Société des Ateliers Bordelais créés en 1854 par M. Maldant constructeur de chaudières et de pompes à feu. Tous ces locaux industriels disposent de l’équipement nécessaire pour la construction de navires en bois et  fer, technique nouvelle  pour laquelle  Lucien Arman titulaire d’un brevet d’invention, reçoit la Grande Médaille d’Honneur de l’Exposition universelle de 1855.  Ces  nouvelles installations de la rive gauche pouvant recevoir plusieurs cales de construction, prennent le nom de « Chantiers de l’Océan », implantés de chaque côté du passage de Lormont  ils emploient alors jusqu’à 3.000 ouvriers. Il y a également sur les bords du fleuve,  les petits chantiers couverts de Coffre et Charron travaillant pour la pêche et la plaisance, les cales à découvert de Durandeau et Germain qui construisent des embarcations et enfin, l’ancien chantier Chaigneau servant surtout pour les réparations.
 
2- A Lormont sur la rive droite, se trouvent les cinq cales couvertes des Chantiers Chaigneau, leurs ateliers et leurs pontons. Les chantiers Bichon (séparés de Chaigneau depuis 1852) disposant de deux cales couvertes se trouvent à cette époque  sur la portion de territoire de la commune de Lormont récemment rattaché à Bordeaux lors de l’annexion de 1865. En intégrant également La Bastide et une petite portion de Floirac, la ville de Bordeaux prend ainsi pied sur la rive droite du fleuve pour la première fois de son histoire. A Queyries, on trouve au bord du fleuve, le chantier Raymond avec deux cales couvertes.
 
3- A Bordeaux, sur les quais de Paludate et de Sainte-Croix, les anciens Chantiers du Roi ne servent plus depuis longtemps, que de dépôt de bois. Dans ce secteur jadis si prospère, ne restent encore en activité, et encore pour peu d’années seulement, que les chantiers Arman avec leurs sept cales couvertes, leurs ateliers et magasins; les chantiers Moulinié et Labat avec leurs trois cales couvertes et enfin le petit chantier Cluzeau.
Les chantiers Arman à Sainte-Croix vers 1875 - Photographie Terpereau - Cliché IV - E / II - Archives municipales de Bordeaux
 

        Dans les deux dernières décennies du XIX° siècle, après de nombreuses cessations d’activité,  il ne reste plus à Bordeaux que deux sociétés importantes réellement adaptées pour la construction  de bâtiments destinés à la Marine Nationale ou à celle de commerce. Ces deux sociétés sont respectivement implantées de chaque côté du fleuve,  pratiquement  en face l’une de l’autre.
 
        Sur la rive gauche, après la faillite des Chantiers de l’Océan intervenue en 1869, l’un des administrateurs M. Delahante reprend une partie des installations et crée les Chantiers de Bacalan. En 1879, les chantiers de Bacalan fusionnent avec les Ateliers de la Dyle installés en Belgique et le nouvel ensemble constitue la Société Dyle et Bacalan disposant de deux pôles d’activité, l’un à Bordeaux et l’autre en Belgique.
 
        Les chantiers navals bordelais Dyle et Bacalan, réalisent alors de nombreux navires pour le commerce et la Marine nationale, navires toutefois limités dans leurs dimensions et leur tonnage du fait que la rive gauche est relativement basse par rapport à la courbe opposée du fleuve. Avant et après la première guerre mondiale, quelques pétroliers et cargos sont construits ainsi que des  patrouilleurs-dragueurs, torpilleurs et contre torpilleurs. En 1930,  Dyle et Bacalan cède son activité de constructions navales aux Chantiers Maritimes du Sud-Ouest, une nouvelle société est constituée prenant le nom de : Ateliers et Chantiers Maritimes du Sud-Ouest et de Bacalan réunis.
Les chantiers Dyle et Bacalan (à gauche) et les chantiers maritimes du Sud-Ouest (à droite) en 1925 - Photographie aérienne I.G.N Bordeaux : Fonds iconographiques de la Mémoire de Bordeaux
 
        Cette nouvelle entreprise qui emploie environ 1700 salariés, poursuit la construction de navires, notamment pour répondre à des commandes de la Marine nationale. Un pétrolier, trois torpilleurs et trois avisos coloniaux sortent des chantiers de Bacalan dans les années 1930. Un dernier navire de guerre est lancé sur la rive gauche, le 28 janvier 1936. La deuxième guerre mondiale et l’occupation mettant un frein aux constructions navales, les Ateliers et Chantiers Maritimes du Sud-Ouest et de Bacalan ne peuvent quant à eux reprendre leurs activités.  
 
        Sur la rive droite à l’emplacement des chantiers Bichon, en 1882, la Société des Ateliers et Chantiers de la Gironde est créée avec le soutien du puissant groupe national Schneider. Cette entreprise  occupe alors la première place à Bordeaux dans le secteur de la construction navale. Au fil des années de nombreux agrandissements et de nombreuses transformations de ses  installations la place à un haut niveau de compétitivité. Les chantiers de la Gironde qui emploient près de trois mille personnes à certaines époques, construisent notamment entre 1882 et 1955, cent vingt six navires de guerre de tous types pour la Marine Nationale. Ces bâtiments vont du petit remorqueur jusqu’au plus gros cuirassé de 25.500 tonnes, de plus quelques bâtiments sont également réalisés pour des marines de guerre étrangères.
Photographie aérienne des chantiers de la Gironde en 1958 - Musée du Vieux Lormont
 
         Parallèlement, les chantiers de la Gironde construisent  pour les marines de commerce française et étrangères, de nombreux  navires de toutes catégories et de tous tonnages : Paquebots, cargos, pétroliers, minéraliers, transports divers, chalutiers de haute mer, barges, etc. Toutefois, subissant comme d’autres entreprises françaises appartenant à ce secteur d’activité, la grave crise traversée par la construction navale, les derniers chantiers bordelais, malgré diverses tentatives de diversification, doivent  cesser  toute activité en 1985.
 
            Une grande page d’histoire du passé maritime et industriel bordelais venait de se fermer.
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